18.8.12

Découverte de l’électromyostimulation et ses actions sur le corps humain.


Démarrant cette nouvelle cuvée d’articles sur l’électrostimulation (ES), le GERAR se penche sur l’histoire de l’électromyostimulation avec un article de Dolhem R, paru en 2008 dans les annales de réadaptation et de médecine physique [1]. Il est alors curieux de s’apercevoir que cet agent thérapeutique de lutte contre la douleur, a été découvert très tôt (200 avant JC) via l’emploi de poissons électriques (raja torpedo et autres gymnotus electricus).

Utilisation rapidement mise de côté par Hippocrate, Aristote et autre Galien devant la difficulté de production en quantité suffisante d'électricité. Il faut alors attendre la naissance des condensateurs et machines électrostatiques qui furent utilisés lors de bains électriques et électrisation par étincelles durant une période s'étalant du 17ème au 19ème siècle.
C'est cependant en 1786 que furent mises en évidence les réactions musculaires en présence d'électricité: le Galvanisme est né. Les années suivantes de nombreux savants de l'époque, dont Volta et sa célèbre pile, rédigent de nombreux traités et mettent en avant les bienfaits de l'ES concernant les rhumatismes ou autres pathologies ostéo-articulaires. Cependant, l'électrothérapie ne trouve pas son public sûrement à cause du coût des appareils, de l'importance de l'entretien et de la place qu'ils prennent, mais aussi par l'émergence du nombre important de charlatans surfant sur la vague du magnétisme et des effets l'électricité.


Poussé par les travaux menés par Duchenne de Boulogne au 19ème siècle, l'ES est utilisée localement pour décrire la physiologie des mouvements de l'homme, décrivant ainsi une « anatomie animée ». De nombreux ouvrages vouant les mérites de l’électrothérapie virent le jour vers la fin du 19ème même si la communauté médicale n’intègre pas cette thématique dans ses enseignements. Au 20ème siècle chaque chercheur, le plus souvent ce sont des électroradiologistes, teste différentes techniques d'ES : la convulsivothérapie, les électrochocs, l'électronarcose entres autres sont découvertes. Vous trouverez ici un exemplaire de la revue internationaled’électrothérapie de 1890, exemple concret des écrits de ces années où l’ES est testée sur un grand nombre de pathologies.

Ces différentes techniques utilisant un courant électrique évoluent avec la miniaturisation et l'utilisation des premiers microprocesseurs. Dans les années 1960, l’électrologie se sépare de la radiologie et il apparaît alors une réelle régression de l’électrothérapie qui se rapproche selon les auteurs, de plus en plus de l’empirisme en étant présente dans la médecine du sport, la rhumatologie et la masso-kinésithérapie.

Les années 1970 voient la première application clinique de la neurostimulation transcutanée ou transcutaneous electrical nerve stimulation (TENS) contre certains phénomènes algiques. Surfant sur la vague du galvanisme, différentes méthodes sont créées afin de lutter contre la faiblesse musculaire, de développer la technique de respiration électrophrénique, ou encore de faire marcher des sujets paraplégiques.

Mais quel est donc l’impact de l’ES sur l’humain, car via ce premier article, il est difficile de saisir la réelle action que les techniques d’électrothérapies possèdent sur nos patients par exemple. La revue générale de Bigard AX et al. en 1991 [2], tente de mettre à jour ses actions.
L'hétérogénéité du tissu musculaire, de part ses propriétés contractiles, structurales ou métaboliques, engendre des réponses différentes en fonction des stimuli qu'il subit. Ce sont alors les motoneurones innervant les différentes unités motrices qui répondent aux stimuli électriques. La qualité des unités motrices innervées est un élément important à prendre en compte lorsqu'elles sont stimulées par des courants de diverses fréquences. Il s'avère alors que les unités motrices des muscles phasiques, essentiellement composés de fibres rapides déchargent à des fréquences comprises le plus souvent entre 30 et 60Hz, tandis que les muscles toniques possèdent des fonctions posturales, donc composés plus de fibres lentes déchargent à une fréquence de 5 à 15Hz.
            La suite de l’article met en lumière l’impact de l’ES sur les protéines contractiles du muscle, sa structure, sa morphologie, ses propriétés métaboliques, son activité enzymatique, etc. Paramètres d'abord développés chez l’animal puis chez l’homme à des courants excitomoteurs de basse (10Hz), moyenne (40 à 100Hz) et hautes fréquences (>100Hz).

Image de l'article de

De Tillio Pononio. Acta ortop. bras. vol.18 no.2 São Paulo  2010

            Les expériences animales sont nombreuses comparées à celles réalisées sur l’homme. Les auteurs soulignent alors un changement des propriétés musculaires chez l’animal de laboratoire, essentiellement sur les muscles jambiers chez le lapin ou le rat. L’ES de basse fréquence provoque une transformation progressive des fibres rapides en fibres lentes via des protocoles lourds en temps et en intensité. Ces remodelages sont plus ou moins complets dépendant des protocoles réalisés, mais les muscles à tendance phasique semblent se transformer en muscles toniques. Les études sur le sujet soulignent alors des changements important touchant les densités et les volumes mitochondriales, des changements d’expression des chaînes légères et lourdes de myosine. Le réseau capillaire d'un muscle rapide se rapproche, après une période d’ES, d’un réseau capillaire d’un muscle lent et, de ce fait, les métabolites nécessaires à la production d’énergie changent également. Les auteurs soulignent  l'existence d'un effet dose, en réduisant par exemple la glycogénosynthèse. De nombreuses études constatent donc un pouvoir oxydatif augmenté chez un muscle électrostimulé, en rapport avec l'augmentation de la densité des mitochondries.

            L'ES de moyenne à haute fréquence provoque une métamorphose dans un sens inverse d'une ES de basse fréquence, de ce fait et en fonction des protocoles, les fibres de type I vont devenir des fibres de types II. Mais sans aucune spécificité entre les fibres IIa et IIb, alors que l'ES de basse fréquence voit une transformation des fibres IIb en IIa puis en fibres de type I. Même si ces résultats sont remis en question quant à la différenciation des fibres rapides. Les fréquences supérieures à 40Hz ne semblent pas impacter les protéines contractiles, et peu d'études donnent des informations fiables concernant d'éventuels changements au niveau des mitochondries, de la capillarisation. Bien que certaines études soulignent une augmentation du débit sanguin provoqué par un réseau capillaire plus conséquent.

Que se passe-t-il chez l’homme ?

            Aucune expérience équivalente n’a été retrouvée sur l’homme. Ce qui conclut très vite à des études où peu, voire aucun changement n’est constaté. Pourtant, comme le soulignent les auteurs, l’ES est énormément utilisé dans les milieux sportifs ou rééducatifs mais les conséquences métaboliques, enzymatiques et morphologiques de l’ES sont encore floues. De plus contrairement à certains protocoles d’études sur l’animal, l’ES est réalisée de manière superficielle et forcément dépendante de l’emplacement des électrodes par rapport aux points moteurs. De ce fait, le faible nombre d’études qui montrent une hypertrophie des fibres rapides et une augmentation de la densité des mitochondries sont largement dépendantes du seuil de tolérance des cobayes humains, des muscles subissant l’ES et du niveau d’entraînement du sujet.

Avis du GERAR.
            L'histoire de l'ES passe par des hauts et des bas, tantôt reconnue, puis oubliée, voire même discréditée. Ce premier article [1] permet de comprendre l'évolution du concept de l'ES et ses déboires face à la médecine. Cependant, peu d'informations sont données concernant son utilisation de nos jours et sa place dans la rééducation. C'est pourquoi il est intéressant de retrouver quelques informations d'une étude datant de 1991 concernant l'impact de l'ES.

Même si cet article annonce par blocs tous les changements qui semblent intervenir chez l'animal et l'homme après des périodes d'ES, celui-ci permet une révision complète des données physiologiques rapportées à l’ES, même si l'essentiel se retrouve chez l'animal. Il est vrai que les études décrites sur l'homme datent un peu mais le GERAR se devait de remonter le fil des études marquantes concernant l'électromyostimulation afin de poser les bases de ce large thème.

            L'équipe de Bigard AX le souligne en proposant plusieurs limites concernant le peu de données viables sur l’ES et les expériences sur l’homme: il n’existe pas d’homogénéité au sein des protocoles, les muscles électrostimulés ne sont jamais les mêmes, le temps d’ES, les fréquences et l’intensité de l’influx divergent d’un protocole à un autre. Il est donc difficile d’imaginer le tibial antérieur d’un homme stimulé toutes les 5 sec pendant 48h… Il existe aussi une différence essentielle entre un muscle encore innervé et un muscle dénervé qui subit de l’ES, même si les auteurs ne s’attardent pas trop sur cette différence.

Mais qu'en est il aujourd’hui, car comme souligné dans ces articles, l’ES est très utilisée en rééducation et dans le milieu sportif. Mais dans quelles conditions ? Et pour quelles indications ? Les futures analyses du GERAR nous en dirons un peu plus là-dessus.


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