24.9.12

Comprendre l'effet placebo


Nos thérapeutiques paramédicales sont soumises régulièrement à la question de la présence ou non d’un effet placebo (EP). Les bienfaits d’un massage, d’une mobilisation passive proviennent-ils de la technologie de base ou de la subjectivité que cela induit ? Éternelle problématique… Le respect des conseils d’hygiène de vie et de prophylaxie dans une prise en charge thérapeutique provoque-t-il des mécanismes de guérison au delà des nos intentions ? Il convient de comprendre ce qu’est l’EP. G-C. et B. ont réalisé une mise au point [1] sous forme de revue de littérature sur l’EP autour de la thématique de la douleur. Certaines références bibliographiques cités dans cet article mettent en valeur les différents aspects de l’EP. Echelle visuelle analogique et paracétamol n’ont qu’à bien se tenir !!!!



Placebo, qui es-tu ?

Tout d’abord, un effet est dit placebo quand il est favorable pour le sujet étudié alors qu’un effet est dit nocebo quand il est défavorable. L’EP est principalement une variable sensible aux facteurs comportementaux (conditionnement) et cognitifs (attentes). Shapiro en 1964 [2] rapporte une définition du terme placebo : « Tout procédé thérapeutique donné intentionnellement pour avoir un effet sur un patient, symptôme, syndrome ou maladie, mais qui est objectivement sans activité spécifique pour la condition traitée ». Pour  Pichot [3] l’EP correspond à la différence  entre l’évolution constatée sous placebo et l’évolution spontanée.

Suivant les expérimentations, plusieurs types de placebo sont utilisés :
  • Le placebo pur qui est une substance inerte
  • Le placebo impur qui est substance inactive sur la pathologie
  • Le placebo actif qui provoque des effets secondaires évitant le démasquage de traitement administré.

Beecher dans une revue de 1955 [4] incluant 1082 patients sur 15 études fait ressortir une fréquence d’apparition de l’EP moyenne de 35% chez une population de malades avec des valeurs extrêmes de moyennes allant de 15 à 53%. L’EP peut donc dépasser le seuil critique de 1/3.

Placebo, où est tu ?

L’EP ne concerne pas uniquement les traitements pharmacologiques mais toutes les psychothérapies ou la chirurgie (sous-entendu les soins paramédicaux aussi…). L’exemple d’un article des années 1950 [5] propose une étude chirurgicale où était proposé une ligature de l’artère mammaire interne pour traiter l’angine de poitrine. L’intervention placebo consistait uniquement en une incision cutanée. Une majorité de patient avait un score amélioré en terme de douleur, de périmètre de marche, de consommation médicamenteuse durant une période d’observation de 6 mois.

Aucune caractéristique n’est propre à l’EP si ce n’est celle d’imiter les effets du verum. De plus, l’idée laquelle l’EP a une durée brève et non durable est fausse comme décrit précédemment.

Placebo, comment fais-tu ?

Y’a t-il des profils types de sujets prédestinés à développer des EP ? Y’a-t-il des sujets « Placebo répondeur » sensibles à l’EP ? Selon la revue de Lasagna [6], la grande fréquence des sujets placebo-répondeurs « intermittents » semble indiquer que la réponse au placebo dépend plus de facteurs situationnels que d’une prédisposition individuelle. Cette notion de placebo- répondeur peut être également biaisée par la prise en compte ou non de l’effet nocebo après administration de placebo. L’anxiété est souvent citée comme facteur en cause dans la manifestation d’un effet placebo mais il n’y a que très peu d’études l’étudiant. La question soulevée serait de savoir si la réduction de l’anxiété est cause ou conséquence de la réponse au placebo.

A l’image du conditionnement pavlovien, une réponse à l’administration d’un traitement est initialement « non conditionnelle » (exemple : diminution de la douleur après antalgique) puis après mécanisme d’apprentissage cette même réponse est conditionnée à un stimulus comme par exemple l’administration d’un placebo.  L’étude de Voudouris et Al [7] en est un exemple. En comparant un groupe témoin, un groupe recevant un conditionnement et des suggestions, un groupe recevant des suggestions seules et un groupe recevant  un conditionnement seul, les auteurs concluent que le conditionnement est le facteur le plus puissant parmi ceux responsables de l’EP. Les attentes que peut avoir un patient vis-à-vis de son traitement sont une variable cognitive à ne pas négliger. Il s’agit de savoir comment le thérapeute ou l’expérimentateur peut transmettre les attentes d’un traitement placebo versus un verum. Ces deux modèles, conditionnement et cognitifs-attentes, ne sont pas exclusifs. Les attentes peuvent venir  moduler les mécanismes d’apprentissage. Mentionnons également « l’ effet Hawthorne » selon lequel le seul fait de participer à un protocole de recherche modifie les comportements [8]. Pour généraliser, les effets sont classiquement hiérarchisés selon la voie  d’administration (les voies injectables  plus efficaces que la voie orale), le lieu de traitement (traitement hospitalier plus actif que traitement à domicile) ou la couleur du produit. Le nom de commercialisation peut rendre compte d’un quart à un tiers du soulagement global [9] ; par exemple les patients seront plus enclins à se soigner avec des pillules Guéritou® que d’utiliser une crème Savafermal®.

D’un point de vue éthique, l’utilisation d’un placebo possède des limites particulièrement sur certaines populations comme les malades en fin de vie ou les enfants. Cela incite à développer des méthodologies d’étude comparant perfusion « cachées » et « ouvertes », sans placebo.
Enfin, il peut avoir confusion sur la distinction de l’effet placebo d’un traitement et les renseignements sur l’étiologie par exemple de la douleur. En effet, sachant que l’effet placebo est fréquent chez 35% des malades en moyenne utiliser un placebo comme traitement d’épreuve pour apprécier la part « réelle » ou « organique » d’une douleur est inadéquate. Associer une origine psychogène à l’effet placebo sous-entendrait que cet effet ne puisse pas induire une réponse physiologique équivalente au principe actif. Rappelons-nous qu’en l’état actuel des connaissances, EP et  principe actif  provoque des réponses équivalentes du sujet étudié.

Avis du GERAR :
Les auteurs ont fait un effort de synthèse qui a le mérite de clarifier les mécanismes autour de l’EP. Il permet une première approche constructive à propos de ces termes pour les novices avides de savoir en la matière.
Toutefois si leur publication date encore de la dernière décennie, ce n’est pas le cas de la majorité de leurs ressources bibliographiques. Cela pose une question sous-jacente. Quel intérêt y’a t-il à valoriser l’EP d’une thérapeutique si ce n’est de décrédibiliser la thérapeutique elle-même ? La logique cartésienne profondément ancrée dans nos médecines  associée à une consommation quasi-systématique du traitement médical quel qu’il soit  ne peut concevoir que la présence d’un principe actif ou non ne différerait en rien les suites du traitement. Envisageons l’idée qu’aucun lobby pharmaceutique ou thérapeutique ne veuille dévaluer leur produit à commercialiser. Autre cas de figure, l’EP pourrait servir ces mêmes lobbys à commercialiser des produits génériques.
Ainsi l’EP serait fortement dépendant des circonstances situationnelles et environnementales. Dans un contexte de plus en plus international et cosmopolite, comment réussir à le distinguer au travers du nombre d’interactions que cela suggère. Il est intéressant aussi de rappeler que la loi du 4 mars 2002 (Chapitre IV) incite les thérapeutes au devoir d’information de prévention et d’éducation du patient. Il convient dorénavant de ne plus pouvoir dissimuler l’EP car, ironie du sort, cela pourrait avoir des effets néfastes sur le traitement proprement dit…
… Ou bien améliorer et objectiver nos pratiques, cf les valeurs du GERAR.

NS.


[1] GUY-COICHARD C., BOUREAU F. Comprendre l’effet placebo pour mieux traiter la douleur. Rev  Med Int 26;2005:226-32 
[2] SHAPIRO AK. Factors contributing to the placebo effect. Am J Psychother 1964;18:73-88
[3] PICHOT P. A propos de l’effet placebo. Rev Med Psychosom. 1961 ;3 :37-40
[4] BOUREAU F. LEIZOROVICZ A. CAULIN F. Effet placebo sur les douleursmétastasiques osseuses. Presse Med 1988 ;17 :1063-6 
[5] DIMOMD EG, KITTLE CF, CROKETT JE. Comparaison of internal mammary ligation and sham operation for angina pectoris. Am J  Cardiol 1960:5:483-6
[6] DRICI MD, RAYBAUD F, DE LUNARDO C, IACONO P, GUSTOVIC P. Influence of the behaviour pattern on the nocebo response of heathly volunteers. Br J clin Pharmacol 1995;39:204-6
[7] VOUDOURIS NJ, PECK CL, COLEMAN G. The role of conditionning and verbal expectancy in the placeboresponse. Pain 1989;38:109-16
[8] BAILAR JC. The powerful placebo and the wizard of Oz. N Engl J Med 2001; 344 : 1594-602
[9] BRANTHWAITE A, COOPER P,Analgesic effects of branding in treatment of headaches. Br Med J. 1981;282:1576-8

1 commentaire:

  1. Encore une fois, un article très intéressant. Bravo le GERAR. Toutefois, il se pose la question des techniques de placebo dans la cadre des interventions de face à face (rééducation, psychothérapie...) où un nombre considérable de facteurs peut modérer l'effet placebo comme l'alliance thérapeutique ou les attentes envers l'intervention.
    Pour ceux qu'il veulent aller plus loin, je vous invite à écouter l'émission Sur les épaules de Darwin (http://www.franceinter.fr/em/sur-les-epaules-de-darwin/101515). Vous y apprendrez que l'on peut obtenir un effet placebo même si on en informe le patient plus quelques informations sur les potentiels mécanismes.
    Deuxième info, l'effet placebo existe aussi pour l'activité physique (http://actiphysetc.wordpress.com/2010/07/08/leffet-placebo-lacticite-physique-et-la-sante/)

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